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Sophie Thibault : « J'appelle ça redonner au vivant »
Sophie Thibault : « J'appelle ça redonner au vivant »

La Presse

time10-08-2025

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Sophie Thibault : « J'appelle ça redonner au vivant »

Cet été, nos chroniqueurs tendent la main à des artistes, à des politiciens et à des gens d'affaires qui se trouvent à un tournant de leur carrière. Yves Boisvert s'est baladé avec la cheffe d'antenne Sophie Thibault, qui a quitté le journalisme pour se consacrer à la photographie animalière, notamment d'oiseaux. Ce qui frappe d'abord, ce n'est pas la couleur des vêtements, c'est le changement de coiffure. La mésange « bicolore » porte en effet la houppe sur le front, même si c'est passé de mode depuis plusieurs saisons. Elle est à peine plus dodue que sa cousine « à tête noire », qui est tout aussi bicolore, et même davantage, vu que la mésange bicolore a en réalité trois couleurs. J'en aurais long à dire sur les noms d'oiseaux, mais tel n'est pas notre propos aujourd'hui. On devine chez ce volatile un léger sentiment de supériorité, mais au fond, elle affiche le même caractère bonasse et sociable que l'autre mésange, si commune dans nos contrées. On m'excusera, j'espère, de commencer ce texte par ce détour ornithologique, mais c'était ma première rencontre avec ce sympathique oiseau. PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE Sophie Thibault Et aussi, ça peut paraître étrange de dire ça pour une femme qui s'est montrée à la nation tous les soirs à heure de grande écoute, mais Sophie Thibault n'est pas le sujet préféré de Sophie Thibault. Non pas qu'elle soit pudique à l'extrême. Elle a même écrit un livre très intime avec sa mère. Simplement, je crois qu'elle préfère donner à voir le monde que de ramener la conversation à elle. La cheffe d'antenne fraîchement retraitée m'avait donné rendez-vous au Refuge faunique Marguerite-D'Youville, sur l'île Saint-Bernard à Châteauguay. PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE Notre chroniqueur en compagnie de Sophie Thibault Elle a sorti de sa voiture ses jumelles et son appareil photo Sony. Du matériel très sérieux. La conversation s'est installée entre elle et mon collègue photographe Martin Chamberland. Il était question des mérites comparés des différentes marques, de profondeur de champ et de longueur d'objectifs. Comprenez que pour Sophie Thibault, la photographie n'est pas un hobby auquel elle peut enfin se consacrer maintenant qu'elle a quitté TVA. C'est une nouvelle carrière qu'elle prend très au sérieux. Elle publie – des livres, mais aussi sur un compte Instagram très populaire. Elle enseigne. Elle se forme sans arrêt. « J'envie parfois les ornithologues », me dit-elle en replaçant sa machinerie sur son épaule. « Vous prenez vos jumelles, vous observez l'oiseau, vous le notez, et vous passez à autre chose. Nous, il faut trouver le bon angle, on veut la proximité avec l'oiseau, on doit se mettre à son niveau… Les photographes d'oiseaux et les observateurs d'oiseaux, c'est deux gangs totalement différentes. » Tout a commencé en 2012, quand elle a installé une mangeoire dans sa cour. Elle a commencé à photographier les oiseaux. À se renseigner. PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE Sophie Thibault J'ai été touchée par la fragilité d'une mésange, d'une sittelle venue se poser dans ma main. Sophie Thibault Elle avait déjà suivi des cours de photo, mais n'avait jamais senti de vocation artistique. « Je regarde mon cahier de l'époque et c'est très ordinaire », dit-elle en riant. Comme pour le reste, elle s'est mise au travail et peut maintenant prétendre l'enseigner. « J'adore l'aspect technique. Les manuels. Traiter les photos. Les organiser. Je suis le travail des bons photographes animaliers. C'est devenu une belle obsession. Si je ne clique pas pendant quatre jours, ça me manque physiquement. » Elle arrivait d'une excursion à l'île aux Lièvres avec un groupe quand nous nous sommes rencontrés, au mois de juin. PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE Sophie Thibault « La photo, c'est une intention. Tu sors chercher le chevalier semi-palmé. Tu pars avec ta lentille, tes vêtements, et tu es totalement absorbée. Quand je suis avec un groupe, je ne veux pas être dans la performance. Je ne veux pas savoir qui va avoir la plus belle photo. C'est une expérience humaine. C'est poser un regard sur la nature. Regarder en haut, en bas, de tous les côtés. Je n'ai plus le même œil maintenant. La photo a amélioré mon expérience de contemplation. » Au point que, parfois, elle ajoute : « Il faut que je me calme l'œil. » Se calmer l'œil… comme elle a pu se calmer la tête depuis le printemps. « Après une entrevue l'autre jour, j'ai allumé la radio dans ma voiture. J'allais écouter les nouvelles, me brancher sur LCN, ou de l'information en continu… mais j'ai fait : mais non, je n'ai plus besoin de faire ça. L'Iran a été attaqué, mais je ne passerai pas six heures à décortiquer la situation. J'ai mis de la musique classique. Ça ne m'était jamais arrivé depuis 25 ans. » PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE Sophie Thibault C'est un stress constant, être cheffe d'antenne. Tu gobes des infos toute la journée pour la recracher le soir. Sophie Thibault Dans les sentiers peu fréquentés au petit matin, quelques personnes nous croisent et lui souhaitent bonne retraite discrètement. « Maintenant, les gens ne me disent plus : 'Avez-vous des bonnes nouvelles ?' Ils me disent : 'Avez-vous des bonnes photos ?' » Elle me fait remarquer la lumière tamisée par les feuilles de peuplier deltoïde, dont les semences sont une sorte de neige floconneuse. Elle s'immobilise. Tend la main. Une sittelle vient s'y poser. Où que l'on se promène, on entend la paruline jaune. « C'est rendu le pigeon des parulines. Il y en a partout ! Mais il ne faut pas être blasé, c'est un oiseau magnifique. » PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE Sophie Thibault Un héron pêche dans l'étang. C'est le moment de travailler. Une grande aigrette prend son envol. Clic-clic-clic-clic… Elle est contente du résultat. Elle me montre les détails, le mouvement de l'oiseau, la lumière qui lèche les longues ailes blanches… « J'ai de la misère avec la fin. Avec la mort. La photo, ça fige le temps. C'est ce que j'aime. Ça nous permet ensuite de voyager dans le temps. » Pendant la pandémie, ses publications de nature étaient comme un baume pendant des semaines glauques. Elle sentait l'apaisement qu'elle procurait à des gens cloîtrés en CHSLD. Tous les matins, elle envoyait des bouts de vie animale. Mais plus on s'approche de la nature, plus on observe aussi sa destruction. PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE Sophie Thibault Des fois, je montre des oiseaux malades, je ne veux pas générer de l'anxiété, mais il faut sensibiliser, passer des messages pour qu'on arrête de tout détruire. Ce qui se passe avec le caribou forestier me décourage complètement. Moi, je défends la rainette ! Sophie Thibault Elle s'est d'ailleurs impliquée au refuge Saint-Bernard, écrin de nature exceptionnel en banlieue de Montréal. « J'appelle ça redonner au vivant, qui nous procure tant de joie. Il y a tant d'oiseaux disparus depuis 10 ans, 20 ans, dans plusieurs cas c'est 80 % ou 90 % de l'espèce. » Elle est en admiration devant le travail des naturalistes, qui installent des nids pour les merles bleus ou les canards branchus, qui luttent pour la biodiversité. Et elle se dit qu'en l'illustrant, peut-être qu'on y tiendra un peu plus. « C'est très prétentieux, au fond, de dire : regardez ma photo, ça mérite d'être publié ! J'ai toujours eu des doutes, et j'en ai encore. Des doutes sur mon travail comme journaliste, des doutes sur ce que je publie. Jusqu'à la toute fin, je ne suis sûre de rien. Sauf de mon œil… des fois. » Qu'en pensez-vous ? Participez au dialogue

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